lundi 30 mars 2015

Faux socle en trigone : la couverture est là !

Des images sur les mots...

Comme annoncé dans le précédent post, la couverture de Faux socle en trigone est arrivée. Je vous laisse le soin d'apprécier le superbe travail réalisé par Yoann Lossel pour mettre des images sur mes mots. Un grand merci à lui et de belles lectures à vous dès le mois de mai !



Pour compléter ce post, quelques lignes écrites dans le cadre de la semaine de la langue française, avec 10 mots imposés et soulignés dans ce texte, lauréat du concours organisé par la bibliothèque de Petit-Mars. A vos appréciations, petits-marsiens !

 
Des mots le ton et les vers au chaud
Marchand de mots il était, les maux il récoltait en marchant. Il avait vu tant et tant de misères tout autour de la Terre. Il devait reprendre son bâton de pèlerin pour réconcilier ses frères humains. Tout en foulant les herbes sèches, il se voyait entrelacer les verbes revêches. Ainsi tressés, les mots en seraient tout retournés. La marieur de mots voulait réussir l'amalgame des mots d'Est et des mots roses, l'harmonie des mots dits et des mots tus, mais pas de bouche cousue. Les jardiniers chanteraient les mots des râteaux et tout le monde crierait bravo. Des mots en bic, il en ferait des grigris éloignant les mots-cris. Dans les méandres de son ordinateur, il se mit à cibler les mots-coeurs pour chasser les peurs. Il avait lu Le Gai Savoir de Nietzsche. Sa philosophie à lui était un chouïa plus kitsch. Si la vie était un manège, il devait en apprendre tous les arpèges. Il s'embarqua sur un bateau à voiles vers les régions boréales. Dans les idées, il avait de la suite. Il voulait connaître les Inuits. La banquise était son tremplin sur la voie de son destin. Maintenant qu'il avait des mots l'air, il pouvait arpenter les routes buissonnières. Des glaces de l'Alaska au pays des kiwis, il glissa sur Hawaï wiki wiki. Il y croisa sa belle. Elle avait les yeux cannelle. Il devint fou des mots d'elle. Des sourires et des hommes, il en avait fait son pensum. Même en Grèce où le cœur n'était pas à la kermesse. Il lui fallut affronter les mots lestes des jours de peste. Garder le cap, même quand les mots râlent, c'est fatal ! A force de respirer des mots l'air, il eut des millions de followers. C'est ainsi que naquit la nouvelle Babel, sans mur et sans Shrapnel. Un peu par sérendipité, il avait recousu l'humanité. Et quand il fut bien fatigué, il se coucha dans la plénitude. A compter de ce jour, il put se contenter des mots d'alité. Leskine était son nom et la musique des mots sa passion. Après toutes ces vicissitudes, il pouvait partir en totale zénitude. On enveloppa dans un linceul de mots Leskine pour son denier voyage par-delà les nuages.


vendredi 20 mars 2015

Retour après totale éclipse...

La nuit des 13 lunes, c'est pour bientôt !



La Terre est bleue comme une orange. La lune fait la nique au Soleil !
 
Presque deux mois d'éclipse et de silence. C'est long ! Aujourd'hui, alors que notre satellite s'apprête à avaler une part de Soleil, je me suis enfin décidé à sortir de cette hibernation prolongée. Premier jour du printemps et premières nouvelles de l'Ouest. Alors que la parution de Faux socle en trigone est programmée pour le mois de mai, Toi lecteur, tu auras bientôt la primeur de la couverture, une autre naissance est annoncée pour l'automne avec la parution de La Nuit des 13 lunes. Un roman qui vient de décrocher le Prix Supernova aux éditions du Masque d'Or.

 
Autre registre, autres émotions avec la nouvelle ci-dessous que je te laisse le soin de découvrir. Petit hommage à Prévert sous soleil voilé, second prix du concours de nouvelles de Thénac.
 
 
 
 
 
Belles lectures à pied, à cheval et en
 
bateau à voiles...
 
 
 
 
 
 
Mascareigne du matin, soir sous les embruns


          Certains prétendent que je cède trop facilement aux caprices d'Eole. Certes, j'ai tendance à être frivole au vent. Mais dès que le soleil donne et je voyage en salutaire aux quatre coins de la Terre. Je suis né sous les douces mains de Félicité qui m'a tressé. Elle m'appelait son chouchou, elle était ma nounou. Belle comme une toile de Mascareigne, funambule du cirque de Salazie. Avec elle, je me suis baigné sous le Voile de la Mariée, dans les odeurs de tamarins et de goyaviers. Telle était ma jeunesse, j'ai dû naître coiffé. Depuis, j'en ai vu des contrées. Et des très cons aussi ! J'ai rencontré des têtes brûlées et des têtes bien faites, des têtes en l'air à l'air pathétique. J'ai toujours su garder la tête froide et finalement, c'est moi qui leur fait de l'ombre.
           J'ai quitté Bourbon sur un coup de tête quand Félicité a largué les amarres. Elle est partie sans crier gare. A pied vers la mare à Poule d'eau. C'est là que se sont séparés nos chemins. J'ai à peine eu le temps de voir sa détresse créole. Le maloya prenait un souffle rock'n roll entre les solides bras de Carole. Du Piton des neiges par Dos d'âne au Ti train par Sous-le-Vent, j'ai caressé ses cheveux onduleux. En sortant du port, la houle australe soufflait si fort que j'en frissonne encore. Du ferry, j'ai failli passer par-dessus bord. Avant même d'arriver à Tamatave, Carole avait succombé au charme d'un roux Batave. Globe-trotter aux pieds nus, il lui en avait mis plein la vue. Il fut un temps son idole. Elle en était folle.
           J'ai préféré les laisser à leurs ébats fougueux. Je suis parti vers les cieux, poussé par les alizés. Une saute de vent furieux aux pieds d'Elisa me déposa. J'en fus tout retourné. La pauvrette me servit de port d'attache sur une plage malgache. Elle était couturière et m'enrubanna de ses doigts experts. Je prenais du galon sans le moindre coup de canon. Mais le métier de tailleur n'empêche pas les rêves d'ailleurs. Elisa voulait voir le monde. Un capitaine de trimaran, au demeurant pas très marrant, tous deux nous embarqua pour un tour de mappemonde. On hissa la grand'voile en suivant les étoiles. A nous le Mozambique et les mots si doux.
           Hélas, le capitaine était homme aux semelles de vent. Elisa n'était plus du tout du genre avenant. Il lui dit : « A Suez, je te largue » en retirant son panama. Elle lui répondit : « Yeh Men ! Je saurai mener ma barque ». Il en fut fait ainsi. Je ne pensais pas devenir un dégât collatéral, mais je finis bel et bien dans le canal. Je n'eus la vie sauve que grâce à une frêle sarcelle qui me prit sous son aile. Drôle de voyage qui faillit tomber à l'eau pour rebondir sur le dos d'un oiseau. Du pont d'un porte-container au doux nom de Northern Debonair, un marin patibulaire me repêcha tout dégoulinant de remerciements. J'étais encore imprégné de parfums féminins. Je fis le bonheur d'un équipage libérien. Mon sauveur s'appelait Titus, je lui servis de sac à puces. Avec le bain de mer, j'avais perdu de ma superbe mais j'étais prêt à tout pour revoir un brin d'herbe.
           Titus n'était pas bien méchant. Plutôt un grand enfant ! En arrivant à Marseille, il se fit la belle avec Mireille. Une petiote à tête de linotte. Ils m'oublièrent bien vite sur un banc. Ils s'aimaient comme deux enfants. Ils n'étaient plus là pour personne. Il a fallu que je me raisonne. C'était l'automne. Les feuilles mortes se ramassaient à la pelle. Un vieux balayeur répondit à la pelle. Je poursuivis mon voyage en brouette jusqu'au café de la Goélette. Victor me serra si fort que je faillis en perdre le nord. De son étreinte virile, il me reste aujourd'hui encore la cicatrice, une brisure dans mes vibrisses. A la Goélette, je finis contre un mur, dans les odeurs de pastis et de friture. Je n'avais plus très fière allure.
          La patronne s'appelait Nolwenn et ne jurait que par le chouchen. Elle avait laissé ses brumes armoricaines pour des promesses méditerranéennes. Un matin sans coup férir elle me décrocha : « Allez viens, on va voir mon pays là-bas où le ciel est un peu plus bas ! » J'étais parti pour de nouvelles aventures avec une Bretonne très nature. J'aurais aimé qu'elle se farde, elle était plutôt motarde. Je fis la route buissonnière sur le tansad d'une Lambretta Bertone. Pour ne pas me retrouver au fossé, il a fallu qu'à Nolwenn je me cramponne. On a franchi la Loire dans la lumière des phares. On a franchi la Villaine sous une averse soudaine. On a mis le cap à l'Ouest et on est arrivé à Brest. Il pleuvait sans cesse. Rue de Siam, la Lambretta a rendu l'âme.
         Je passais l'hiver au port. Je ne me sentais plus bon à rien. Je voulais du soleil encore. Sans lui, comment faire du bien. Nolwenn était reparti dans le Sud, me laissant avec son frère Gael. Un bon p'tit gars qui me trimbalait dans sa 4L. Son dada à lui, c'était le cheval. Combien de fois ai-je pu maudire cet animal ? Combien de fois ai-je failli me perdre dans la lande après un galop aux airs de sarabande ? Heureusement Gael veillait au grain et n'oubliait pas de me tendre la main. Ma vie ne tenait parfois plus qu'à un fil. Et puis, il y eut Lucile. Elle était si gracile. De conquérir Gael lui fut facile. Lucile était une vraie monte-en-l'air. « Si j'ai deux L dans mon prénom, c'est pour mieux voler » disait-elle. Le parfum de Lucile était un poème, même sous les ailes d'un ULM.
           Pour combler sa belle infirmière, Gael lui offrit un baptême en montgolfière. On embarqua tous les trois direction Balleroy. Au musée des ballons, elle lui fit les yeux ronds. Une brise trop sévère faillit tout mettre en l'air. La fille avait du caractère et moi, je priais pour qu'on décolle pour que l'amour se recolle. Faut croire qu'Eole m'avait entendu car tout s'arrangea le soir venu. Le soleil déclinait et le ballon s'inclinait. Le souffle du brûleur réchauffait les cœurs. Dans la nacelle, la vie reprenait de plus belle. Sous nos pieds, la côte normande invitait aux noces galantes. Et là, je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai voulu les laisser à leurs amours. J'ai sauté. Sous moi, la terre se dérobait. Je me laissais porter. J'ai volé, volé, toujours plus haut. J'ai vu, sur la voie de chemin de fer, la maison du garde-barrière. J'ai plané longtemps avant de commencer à descendre.
         Aux portes de la nuit, doucement, tout doucement telle une plume portée par le vent, je me suis posé dans ce pré. Je n'avais jamais vu que des têtes et me voilà dans la Manche. On est venu me ramasser dans l'herbe, pointe du Nez Cabot. Et n'allez pas dire que la destination m'était prédestinée. Un gamin qui pédalait par là m'a emmené jusqu'au cimetière d'Ormonville-la-Petite. C'est ici que je veux finir ma vie, posé sur cette simple pierre dressée. Un oiseau est venu me saluer. Un peintre du dimanche a voulu en faire le portrait. L'oiseau s'est envolé. Le peintre a replié son chevalet mais il a oublié sa pipe sur la tombe. Sa pipe et puis moi, le vieux shapo-la-pay. D'aucuns m'ont donné le nom de chapeau de paille d'Italie. Je n'ai jamais vu l'Italie, mais laissez-moi rêver encore de mon île où je suis né et où on m'a baptisé chapeau paille chouchou. Laissez-moi devenir le chouchou de vos rêves car je suis comme je suis.
Je suis là pour vous plaire
Et n'y puis rien changer.