Faux socle en trigone, c'est du CONCRET !
Première photo de l'ouvrage dont la couverture a été réalisée par Yoann Lossel
Les premiers exemplaires de mon nouveau roman Faux socle en trigone, tous frais tous beaux, sont arrivés et sont désormais disponibles. Je vous invite tous à découvrir mon nouveau roman. L'histoire d'un trio improbable traversant l'Europe et le 20e siècle sur les traces des soldats perdus de la Grande Guerre. J'espère que vous prendrez plaisir à dénouer le fil de l'histoire racontée à trois voix. Trois possibilités (pour l'instant) de vous procurer l'ouvrage :
1. En m'adressant directement un chèque de 22,00 € ou 25,00 € pour un envoi postal en mentionnant vos coordonnées postales.
2. Sur e-bay en cliquant sur le lien, avec possibilité de payer en ligne avec Paypal : http://www.ebay.fr/sch/i.html?_from=R40&_trksid=p2050601.m570.l1313.TR0.TRC0.H0.XFaux+socle+en+trigone.TRS0&_nkw=Faux+socle+en+trigone&_sacat=0
3. Sur le site des éditions du Masque d'Or : http://www.scribomasquedor.com/
Je vous souhaite d'ores et déjà de belles évasions en lectures,
Gérard Lossel
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Et maintenant, un peu de détente avec ma dernière nouvelle ci-dessous :
Comme chaque matin,
lorsqu'il allait travailler, il enfila son manteau, sortit en
laissant claquer la porte cochère puis se dirigea vers l'arrêt de
bus le plus proche. Mais ce jour-là, son réveil n'avait pas sonné.
C'est la lumière du jour zébrant le mur à travers les persiennes
qui l'avait tiré de son sommeil. En catastrophe, il avait sauté
dans son pantalon tire-bouchonné, le même que la veille, boutonné
sa chemise à la va-vite et avalé une tasse de café froid. Sans
même passer par la salle de bain, il avait dégringolé les trois
étages de son immeuble cossu du boulevard Guist'hau où il avait
trouvé à se reloger dans un modeste 30 m² acquis à prix d'or. Il
allait encore se faire alpaguer par le Cerbère qui
ne manquerait pas de lui faire remarquer son retard et sa tenue
négligée. Il ne comprenait pas pourquoi le jeune DRH recruté par
sa banque l'avait pris en grippe. Un jeune loup aux dents longues
fraîchement émoulu d'une grande école de commerce, de son vrai nom
Hubert Lecerf, que Franck avait rapidement rebaptisé le Cerbère
tant il avait l'impression de franchir la porte des enfers quand il
le croisait pour rejoindre son bureau.
Faut
dire que depuis deux ans, Franck se sentait dans une spirale
négative. Il avait passé la quarantaine. Ses enfants avaient quitté
le nid familial juste avant que celui-ci n'explose. Le nouveau patron
de la banque l'avait rélégué dans un rôle subalterne de traqueur
de clients endettés. En un mot comme en cent, les ennuis volaient en
escadrille et rien ne semblait pouvoir les arrêter. Franck avait
petit à petit baissé les bras et s'était résigné à une vie de
quadra solitaire et dénué d'ambitions. Une petite vie grise de
bureaucrate, rythmée comme du papier à musique, entre l'arrêt
Mondésir où il montait dans le chronobus C6, jusqu'à l'arrêt
Embellie, bien au-delà du stade de la Beaujoire. De là, il
rejoignait à pied en un dizaine de minutes le siège de la banque.
« De Mondésir à Embellie et d'Embellie à Mondésir, tout un
programme pour si peu de résultats », pensa-t-il ce matin-là,
encore engourdi de sommeil. Ce n'est qu'au bout d'un quart d'heure
d'attente que l'inquiétude le gagna. Il se fit la réflexion que les
rues étaient bien désertes et qu'il était toujours tout seul à
l'arrêt de bus. Il connaissait les horaires par cœur. Il savait
déjà qu'il avait raté le 7 h 10. Mais il ne pouvait pas avoir
manqué le 7 h 19. Encore moins le 7 h 27.
Quelque
chose ne tournait pas rond. Il était là avec son manteau d'hiver
alors que le soleil dardait ses chauds rayons dans le ciel. Le
feuillage des arbres était d'un vert profond et un air chaud
s'élevait de l'asphalte. « Y'a plus d'saison, se dit-il. Ce
n'est même pas l'été indien. Ce serait carrément les tropiques à
Nantes. » Il se souvint que la veille, il frissonnait sous le
crachin et que le jour ne s'était vraiment levé que quand il était
descendu du chronobus. Il se souvint aussi avoir marché sur un tapis
de feuilles mortes entre l'Embellie et la rue du Bêle. Un temps
d'automne bien typique des bords de Loire. Et ce matin, il avait
l'impression que l'été faisait son retour par la porte de service.
Et ce bus qui n'arrivait toujours pas ! Et le Cerbère
qui serait là à l'attendre,
tapotant sa montre pour bien lui signifier que son heure serait
bientôt arrivée. L'heure où la banque n'aurait plus besoin de ses
services. Il en était là de ses réflexions quand il vit enfin
déboucher au loin la silhouette massive du C6
Franck
s'engouffra dans le bus, adressa un salut furtif au conducteur en lui
présentant sa carte d'abonnement. Au moment de ranger son document
dans la poche de son manteau, son geste resta suspendu. Il venait de
s'apercevoir qu'il était le seul et unique passager, là où les
autres jours il fallait jouer des coudes pour se frayer un passage
parmi les groupes d'étudiants rejoignant les grandes écoles
d'Atlanpole. Décidément, quelque chose ne tournait pas rond. Franck
osa une question discrète au chauffeur.
- Excusez-moi. Pouvez-vous me donner l'heure ?
- 7 h 48.
- Pour un vendredi, on ne peut pas dire qu'il y ait foule.
- Ah non, monsieur, d'autant plus qu'on est mercredi.
Franck
se sentit désarçonné. L'heure correspondait bien à celle que lui
indiquait sa montre. Pourquoi le conducteur lui a-t-il dit qu'on
était mercredi ? Il se rappelait pourtant bien avoir quitté
son bureau la veille avec la perspective d'une journée à tirer
avant le weekend. Il était exceptionnellement descendu du bus place
du Cirque. Il avait remonté à pied une partie du Cours des
Cinquante Otages jusqu'à la librairie Durance pour s'apprivisionner
en lectures. En quittant le magasin, une averse cinglante l'avait
saisi au vol. Il s'était réfugié dans le premier bar venu. S'était
même dit que le nom du Sur-Mesure était plutôt bien trouvé.
A
l'arrêt Saint-Pierre, Franck éprouva un début de soulagement. Il
ne serait plus le seul passager à bord puisqu'un couple monta dans
le bus et prit place sur une banquette. Il allait cependant déchanter
rapidement quand à l'arrêt Cambronne il se retrouva à nouveau en
voyageur solitaire. Il préféra s'abandonner dans son livre commencé
la veille. Faux socle en trigone en était le titre mais
Franck était incapable de se rappeler le début de l'histoire. Il
avait dû s'endormir dessus, mais le compostage du ticket de bus lui
servant de marque-page le réconforta. Il était bien daté du jeudi
19 novembre 2015. Il se replongea dans sa lecture pour n'en émerger
qu'après la roseraie de la Beaujoire. Encore deux arrêts et il
était arrivé. Il se prépara mentalement à affronter le Cerbère.
Curieusement, plus aucune feuille morte ne jonchait le trottoir de la
rue du Bêle. Les arbres avaient leur habit vert d'Immortels de
l'académie des sciences naturelles.
Quand
il arriva devant la banque, le parking lui parut soudain bien désert.
Une nouvelle fois le doute l'assaillit. Un homme pas très grand,
vêtu d'un long manteau resserré à la taille par une large ceinture
et coiffé d'un chapeau aux bords démesurés patientait devant
l'entrée principale du bâtiment. Franck se figea. Il avait déjà
vu cette dégaine quelque part. Lui revint en mémoire la petite
heure passée la veille au soir au Sur-Mesure en attendant que
cesse la pluie. Il s'y était attablé face à la fresque peinte sur
le mur, avait commandé une Kwak, puis une Gulden Draak pour finir
par une cuvée des Trolls. Plus il fixait le décor, plus il avait
l'impression de s'y perdre. Il s'était mis à soliloquer en
s'adressant au génie du bouillon brassicole peint au-dessus du
chaudron. Il s'adressait à lui comme à un vieil ami :
- Tu t'en fous toi ! T'as pas un Cerbère qui te pourrit la vie. T'as des brunes et des blondes à volonté. Eh bien, tu veux que j'te dise. Je donnerais tout ce que tu veux pour retrouver une vie qui vaut d'être vécue. Mille jours pour une nouvelle vie, ça ne te chante pas. Tu t'en fous toi, accroché au mur à regarder les autres s'enfoncer et à fanfaronner avec tes disciples de la cervoise. Tiens, à la tienne...
Il
avait préféré s'arrêter là quand il avait croisé le regard
commiséreux du garçon de café. Pourquoi cela lui revenait-il à
l'esprit ce matin alors qu'il était prêt à franchir le seuil de sa
banque honnie. L'homme s'approcha de lui et le salua en retirant son
chapeau.
- Bonjour Franckie, je t'attendais.
- Pardon ? On se connaît ?
- Et même très bien.
- Excusez-moi, mais je suis en retard.
- Ce n'est pas bien grave pour un 15 août.
Franck
resta interloqué, les bras ballants, la bouche hébétée. Il fixa
plus en détail l'homme qui lui barrait la route. Décidément, il
avait un air de ressemblance certain avec le génie de la fresque du
Sur-Mesure. Ce qui n'était pas pour l'avantager, mais qui
augmentait le trouble de son vis-à-vis. L'homme reprit les choses en
main. Franck avait de plus en plus chaud dans son manteau d'hiver.
- Allons marcher un peu. Tu as tout ton temps.
Franck
lui emboîta le pas machinalement. L'homme retira de sa ceinture une
feuille de papier enroulée et la tendit à Franck. Celui-ci déroula
le document et se mit à lire à voix haute :
Moi,
Franck Estain, offre mille jours de ma vie à Dom Cervesa en échange
de services rendus selon ma volonté.
Franck
reconnut sans hésiter son propre paraphe au côté d'un Dca
inconnu.
Il ne comprenait rien à cette histoire et s'inquiéta pour sa santé
mentale. Le petit homme ne lui laissa pas le temps de s'apesantir :
- Tu vois Frankie. Moi je ne connais plus mon âge. Mais grâce à des gens comme toi, j'ai vécu mille vies. Le temps est venu de te rendre la tienne. On a fait du bon boulot ensemble. Tu crois être le vendredi 20 novembre 2015. Mais on est déjà le mercredi 15 août 2018. Je te laisserai le soin de compter. Mille jours pour une vie, c'est bien ce que tu voulais.
Avant
même que Franck n'ait eu le temps de répondre quoi que ce soit,
l'homme s'était engoufré dans la rue de la Grange-au-Loup et avait
disparu. Franck retourna sur le parking de sa banque et n'y croisa
qu'un vigile faisant sa ronde. Celui-ci s'arrêta à sa hauteur et
lui asséna un « Bonjour Monsieur le directeur » bien
obséquieux. Franck resta abasourdi. D'autant plus qu'il avait
clairement reconnu le Cerbère
descendu de son piédestal. Franck entrepris alors de retourner chez
lui à pied. Une bonne marche pour lui remettre les idées au clair,
rien de tel. Quand au bout de deux heures, il passa par la rue
Beauregard, il pénétra dans le Sur-Mesure.
La fresque était bien intacte. Le génie de la bière arborait un
sourire énigmatique et, à un moment, Franck crut percevoir un léger
clignement de l'oeil. Ce ne devait être qu'une impression. Il allait
rentrer chez lui, piquer un bon somme et tout allait redevenir normal
dans sa vie bien réglée.
Il poussa la porte cochère,
côté ombragé du boulevard Guist'hau, remonta quatre-à-quatre les
trois étages menant à son appartement. Quand il ouvrit la porte,
une petite fille d'à peine de plus de deux ans se précipita dans
ses bras en lançant un joyeux « Papa ! ». Une voix
féminine lui parvint de derrière la cloison :
- Mon chéri, pourquoi es-tu
sorti si tôt ce matin ? Pour un 15 août, tu aurais pu dormir
un peu ?