Prêts à compter les lunes ?
L'Univers selon Pedro. Mise en orbite !!! |
Bonjour
à toi lecteur,
Après
Tout
secret,
paru en 2013, après Faux
socle en trigone, publié
au printemps dernier, je vous annonce la parution de mon 3e roman. La
nuit des 13 lunes, récit
d'anticipation et quête initiatique, est désormais disponible aux
éditions du Masque d'Or. En voici la 4e de couverture :
« Je
sais qu'il reste encore tant et tant de choses à faire et à écrire.
Les événements que toi, ami lecteur, tu découvriras en lisant ce
récit, c'est moi qui te les rapporte tels que je les ai vécus.
Tantôt au cœur de l'action, tantôt comme simple témoin impassible
et muet. Quoique ! Tu me diras que mon physique te rebute et que
mon imagination s'emballe. Que je ne suis qu'une illusion, un mirage
de papier. T'as pas tort. J'étais né pour être compilateur de
goûts et de saveurs. Les circonstances de l'ère du soleil immobile
m'ont fait éveilleur de conscience. Ce n'est pas le terrible NK6,
13e de la dynastie des Karoff qui pourra dire le contraire après
notre longue nuit en tête-à-tête pour suivre la quête des
moissonneurs de lune. Roman, utopie ou vision d'un passé composé et
d'un futur pas très rieur, ce flash-back sur les treize lunes passée
est un mariage entre la raison, la déraison, l'émotion, le drame,
les rires et les larmes. Tu veux en savoir plus ? Alors embarque
avec moi pour entretenir la chaîne de lumière que commencent à
tisser le vieux Conrad avec la sage Paleska et la belle Hannah, fille
ordinaire des années 2600... »
Pour
se procurer l'ouvrage, plusieurs solutions.
- Directement chez l'éditeur : http://www.scribomasquedor.com/pages/le-s-livre-s-du-mois.html
- Sur ma propre boutique en ligne hébergée sur e-bay. Je vous y propose mon livre dédicacé, avec livraison sans frais de port pour les Nantais. Lien suivant : http://www.ebay.fr/itm/nuit-13-lunes-Gerard-Lossel-dedicace-demande-/141812678841?hash=item2104b1c0b9
And now, ladies and gentlemen, un peu de lecture pour agrémenter l'automne :
Ivresse
saisonnière et mots d'elles
C'est les hormones. Chaque fois
que les jours rallongent, ça me reprend. L'envie de partir. De
prendre la route. N'allez pas croire que je suis du genre coureuse.
Mais, c'est plus fort que moi. Un besoin irrépressible, un désir
d'ailleurs. Et dire que Simbala vient de me passer la bague au doigt.
On n'me la fait pas, à moi. J'ai bien vu dans son regard qu'au même
moment, il pensait à une autre. Les hommes sont comme ça. Ils
s'affolent devant mes longues jambes. Ils reluquent ma démarche et,
dès qu'une autre passe devant eux, ils se détournent de moi.
Depuis le temps, je devrais être
blasée. C'est que, des voyages, j'en ai fait. Des hommes j'en ai
connus. Et pas que de la première fraîcheur. Alors, j'en reviens
toujours à mon beau Francis. Un amant comme on n'en fait plus. Y a
pas plus fidèle. Son défaut : il n'aime pas voyager lui. Comme
si on lui en avait coupé l'envie. Un peu casanier le Francis. Quand
on s'est connu, l'était jeune et fringant. Il me faisait une de ces
cours avec ses 180 centimètres tout déployés. J'ai pas pu
résister. Bon, il s'est un peu déplumé depuis. Mais je sais que je
peux compter sur lui. C'est pas comme ce Simbala. On ne m'achète pas
avec des bagues, moi !
Il est pas méchant Simbala. Plutôt
dans le genre collant. Et puis, ce que je ne supporte pas avec les
hommes, c'est cette fausse prévenance. J'ai bien compris son cinéma
au Simbala. Paraît que dans sa langue, ça signifie lion, ça reste
à démontrer ! Depuis que je porte sa bague, il vient me voir
tous les jours. Lui, il habite Ségou, sur les bords du fleuve Niger.
J'aime pas, c'est trop sec là-bas. Alors, il m'a laissé vivre ma
vie ici. Le coup de la bague, c'était un prétexte ! Une
manière détournée de s'adresser à celle qui occupe ses pensées
bien plus que moi. S'il croit que je ne l'ai pas compris, il se met
le doigt dans l'oeil. J'ai fait semblant de rien. J'ai bien entendu
les mots qu'il a échangés avec son pote Assama : « Avec
un peu de chance, Lise aura le message pour la Saint-Valentin ».
Tu ne me la feras pas à moi, Simbala. D'ailleurs, je m'en vais faire
mes valises.
C'est décidé. Je m'en vais. J'en ai
trop envie. J'ai des copines qui me disent que je ne tiens pas en
place. Je ne sais pas comment elles peuvent supporter de vivre toute
leur vie au même endroit. Simbala est venu me voir, la gueule
enfarinée. Tout juste s'il n'était pas content de me voir partir.
La vie c'est la vie mon gars ! Et les
hormones sont les hormones, tu ne les
contrôles pas. J'ai un peu étudié mon plan de route. Au départ,
j'avais envie de changer d'itinéraire. De découvrir d'autres pays,
d'autres contrées. D'autres hommes peut-être ! Et puis, chaque
fois c'est pareil, je me retrouve grosso modo à faire le même
trajet. C'est plus fort que moi !
Adieu Simbala. Ta bague, je la garde.
On a passé un bon moment ensemble. Mais je crois qu'on n'était pas
fait l'un pour l'autre. Ce soir, je m'en vais dormir du côté des
dunes de Bintagoungou. J'adore. Le sable y est presque aussi blanc
que ma robe préférée. Je pense qu'on sera plusieurs à s'y
retrouver. Ça va être de la folie ! J'avoue que j'ai quand
même un petit pincement au cœur en quittant le delta. Je ne veux
pas trop le montrer à Simbala. Pas envie qu'il se fasse la moindre
illusion., Ceci dit, je pense qu'on se reverra tôt ou tard. En
simples amis !
J'ai fait le début du voyage avec
quelques copines. Qu'est ce qu'on a pu leur mettre aux hommes ?
Juste une mise au point après tout ce qu'ils colportent à notre
sujet. Y avait Mélissa qui s'esclaffait : « Si les
grenouilles se changeaient en prince charmant, ça se saurait ! »
Et puis Cindy qui bougonnait : « Des enfants, j'en ai
eus, mais jamais un homme pour les porter. J'voudrais les y voir.
Sont bons qu'à donner le départ, mais à l'arrivée, c'est toujours
nous qui les avons dans les pattes. » Moi Marie je me taisais.
J'ai beaucoup pensé à mon Francis aujourd'hui. L'est pas comme ça,
lui. Toujours prêt à m'aider pour le ménage et les courses.
Pendant le temps qu'on passe ensemble bien sûr !
J'adore faire la route. La fatigue ne
me pèse pas. Même si je m'aperçois qu'avec l'âge, je deviens plus
craintive. La peur de la mauvaise rencontre. Ou de l'accident. C'est
venu à l'automne dernier. Je faisais le voyage avec Dominique et
Sarah. J'avais pris la tête du convoi. On venait de passer
Barcelone. J'ai juste eu l'impression de voir un éclair. Et puis,
plus rien ! Je me suis arrêtée pour les attendre. Ils ne sont
jamais venus. J'ai fait demi-tour pour les retrouver. C'était trop
tard. Ils avaient été éjectés et gisaient inertes au bord de la
route. Depuis, je ne voyage plus aussi tranquille. Mais bon, quand on
a été habitué à cette vie, difficile d'y renoncer.
Ce matin, Kristina et Zuzana sont
venues nous rejoindre. Des filles chouettes. Elles nous ont dit que
c'était la première fois qu'elles faisaient la route dans ce sens.
Avec Cindy et Mélissa, on les a
prises sous notre aile. Ça les a rassurées d'être encadrées par
de vieilles routardes comme nous. On a décidé de se diriger un peu
plus vers la côte. Les routes y sont plus sûres et, au moins, on y
trouvera de quoi becqueter. En attendant, Cindy a besoin de faire une
halte. Elle prétend qu'elle est indisposée. Moi, je pense plutôt
qu'elle a dû bouffer une cochonnerie. Du genre chimique comme ils en
mettent maintenant sur les cultures. Faut dire que la Cindy, elle a
toujours eu un penchant pour la goinfrerie. Elle espère avoir perdu
ses rondeurs d'ici la fin du voyage. « Sinon, Walter ne voudra
plus de moi », minaude-t-elle à tout bout de champ.
La tuile nous est tombée dessus hier
soir, tout près de l'Oued Grou où on avait convenu de passer la
nuit. C'est Kristina. Assurément la plus belle d'entre nous. De
superbes yeux noirs et une cambrure à réveiller les instincts les
plus bas. Ça n'a pas loupé. Deux hommes l'ont prise pour cible.
Tous les mêmes. Des prédateurs ! On ne sait pas ce qu'elle est
devenue mais on ne donne pas cher de sa peau. C'est surtout Zuzana
que ça a affecté. Elle n'avait plus envie de continuer l'aventure.
Faut croire qu'elle aussi, les hormones la travaillent. Ce matin,
elle est toujours là. On a poursuivi notre voyage. En silence.
Je commence à sentir la fatigue. Les
émotions et la disparition de Kristina n'ont rien arrangé. J'ai
vraiment hâte d'arriver. Ce ne sera pas encore pour demain.
Aujourd'hui, la route me pèse plus qu'à l'accoutumée. Me
lasserais-je de ces interminables entre-deux ? Je commence à
gamberger. L'impression d'être un éternel migrant. Dès que
j'arrive quelque part, je pense déjà à en repartir. A moins qu'une
force supérieure ne m'oblige à voyager. Et si c'est Francis qui
avait raison ? Faudra qu'on en discute ensemble. J'ai toujours
pensé que la sédentarité n'était pas pour moi. Je suis prête à
revoir ma position si on m'avance de bons arguments.
A propos de position, j'ai hâte de
me retrouver dans les bras de Francis. C'est quand même plus
réconfortant que Simbala. J'en avais presque oublié sa bague. Il a
déjà dû me remplacer par une autre. Il paraît même que c'est une
habitude chez lui, d'après ce que m'ont raconté Cindy et Mélissa :
« Tu sais, tu n'es pas la première ni la dernière à qui il
aura offert une bague. Mais un jour, on l'a surpris avec Lise. Ça a
levé tous nos doutes. » Après
tout, je m'en fous. Je préfère m'envoyer en l'air avec Francis. Lui
au moins, c'est une valeur sûre. Et puis, c'est quand même lui le
père de mes enfants. Je ne sais pas si je suis une bonne mère à
les laisser comme ça. Ils ont préféré le mode de vie de leur
père.
J'ai l'impression que le printemps
n'est pas encore arrivé jusque là. Pourtant, le mois de février
est bien avancé. Dans l'eldorado maraîcher du Campo de Dalias, les
tomates mûrissent déjà à tour de bras. Ceci dit, je n'en ai rien
à faire. Ce n'est pas ma tasse de thé comme on dirait., Les
légumes, très peu pour moi. A la fadeur des aubergines, j'ai
toujours préféré une viande bien saignante. Même si mon petit
faible, et ça étonne toujours, c'est les cuisses de grenouille.
Allez savoir pourquoi ! Je suis née comme ça. Je dois tenir ça
de mes parents.
Bientôt la fin. Comment Francis
va-t-il m'accueillir ? J'ai le sentiment que mes copines de
voyage sont dans le même état d'esprit que moi. Même Zuzana qui a
eu du mal à digérer la séparation d'avec Kristina. Elle est venue
se confier à moi, pendant qu'on faisait une pause près de l'étang
de l'Ayrolle : « Toi, tu as ton Francis. Mais moi qui n'ai
jamais été amoureuse, crois-tu que je pourrai plaire à
quelqu'un ? » Il a fallu que je la rassure. Que je lui
dise qu'avec sa beauté et son éclat naturel, ça ne faisait aucun
doute. Mais, je l'ai aussi mise en garde : « Ne te donne
pas au premier venu. Laisse-le te faire la cour. Tu sais, il ne faut
pas qu'il pense que tu es une Marie
couche-toi là.
Même si tu en as très envie. »
C'est ça aussi, la vie. Se servir de
son expérience personnelle pour éviter aux plus jeunes de tomber
trop vite du nid. Me voilà presque philosophe. Des paroles de
sagesse qui ne vont pas empêcher une partie de jambes en l'air avec
Francis dès mon arrivée. J'en ai trop besoin, Ça doit être la
période qui veut ça. Et tant pis si je retrouve une nouvelle fois
en cloque. Quand on aime on ne compte pas.
Je me sens toute fébrile.
L'impression de ne plus avancer. Je reconnais ces paysages. La
moindre colline, le plus petit des hameaux. Les toits pentus, les
rangs de vignes. A vol d'oiseau, je dois être tout près. Après le
virage, je m'attends à le voir, fier comme Artaban, la tête jetée
en arrière pour m'accueillir. Sauf que là, surprise ! Comme
prévu, Francis est là. Mais il n'est pas tout seul. Une jeune fille
blonde se
tient à côté de lui. Toutes les
mêmes. Elles profitent qu'on ait le dos tourné pour aller dévoyer
votre plus fidèle partenaire. Tiens, tiens, je me découvre
jalouse ! Après tout, ne me suis-je pas laissé moi-même
passer la bague au doigt par Simbala ?
Je ne vais pas en faire une scène à
Francis après six mois de séparation. Je fais semblant de rien. Je
l'accoste, jouant du croupion. Et voilà que l'autre blondasse
s'approche de moi. Qu'est-ce qu'elle me veut ? Je ne partage
pas. En plus, on est le 14 février. Je l'avais calculé.
Aujourd'hui, je suis amoureuse de Francis et bien décidée à le
faire craquer. Pas question que la première venue se mette en
travers de mes projets. Mais, visiblement, la nana n'en a cure. La
voilà qui s'approche de moi. Finissons-en. S'il faut aller à la
prise de bec, je ne crains personne. D'autant plus que le mien, de
bec, est bien acéré. Rouge comme mes jambes. Rouge comme la colère
qui me gagne, foi de cigogne. Je vous raconte ma vie. Mes mots
d'ailes, ou mes mots d'elle si vous préférez ! Mais je me
rends compte qu'on n'a pas fait les présentations. Moi, je suis du
genre Ciconia ciconia. Je sais, ça fait redondant, mais c'est comme
ça. Ça vous cloue le bec, non !
J'en reviens à l'autre blonde. J'ai
tout compris. Elle ne m'avait pas volé mon Francis. L'était
d'ailleurs plein d'ardeur le gars Francis, en me revoyant. Quel
pied ! Non, la jeune fille était simplement venue « lire »
ma bague. Quatre lettres noires formant le mot LOVE qu'elle avait
noté sur son calepin. Elle me parlait, pensant que je ne la
comprendrais pas. Je ne suis pourtant pas née de la dernière pluie.
- « Génial. Je vois que Simbala a pensé à sa Lise, son ornithologue préférée. J'aimerais tellement qu'il soit là. En attendant, je vais lui communiquer ta date d'arrivée. J'attends encore une bonne douzaine de cigognes. Tu vois, tu n'es pas la dernière, Marie ! »
Dans
toute l'Alsace, le printemps sera chaud ! Mais je sais déjà
que dès que le raisin sera mûr, je ressentirai des fourmillements
dans les rémiges. L'ivresse saisonnière, c'est notre appel du
large. Et là, rien ne pourra me retenir !