lundi 23 mai 2016

Quid de l'oeuf ? Escale en bestiaire inconnu...

Gènes et tiques !!!

De la poule et de l'oeuf. La question reste récurrente comme une poudre à laver !

Délicatement déposé sur la paille, l'oeuf tout neuf ne peut que s'interroger sur sa condition d'oeuf. D'où viens-je ? Qui cuis-je ? Etre ou ne pas être ! C'est le paradoxe de l'Homlet. 
- Non ce n'est pas la cane de Jeanne qui m'a déposé là ! Ni même la poulette de Louisette ! Tu veux connaître ma genèse ? Genèse pleine de promesses quand l'oeuf d'or et que la mère veille. C'est l'histoire d'un croisement. Lignes croisées et destins mélangés entre la rousse illustrée et la noire, elle ça date ! 
              A la Pousselisière, les manipulations génétiques ont enfin fourni la réponse à l'antique équation équivoque et problématique : qui de l'oeuf ou de la poule ? Au départ, chez Pedro, la poule y dort. Et, il est bien connu que quand la poule y dort, c'est qu'elle arrive en second. Donc l'oeuf gagne la course, coquille de sort ! A moins que ce ne soit cet exemplaire préhistorique dont la découverte devrait révolutionner le monde des sciences. Un seul spécimen de ce Gallimatius pedrosus a pu être photographié à ce jour. Cher lecteur, savoure bien ce privilège et fais suivre l'info :
Le Gallimatius pedrosus n'apprécie guère la proximité de l'homme. Pour l'observer, il convient de se lever aux aurores !

And now, ladies and gentlemen, la suite des aventures de Pedro à Limoges (épisode 4)

 « Va falloir jouer serré. Je suis sûre qu'il ne me dit pas tout », pense Louise en mettant son écran en veille. C'est qu'elle le connaît son « bonhomme » ! Et plus que de raison ! Des décennies de vie commune, à partager les coups de becs et les coups de griffe, sans que cela n'altère l'admiration réciproque que ces deux-là éprouvent l'un pour l'autre. Déjà un exploit en soi ! De là à se laisser berner, c'est une étape qu'aucun des deux ne saurait tolérer. Dominera bien qui dominera le dernier ! Sans doute une façon de rester debout plus longtemps. Même si Pedro a déjà ciselé sa propre épitaphe, il balaye d'un revers de main cette idée de vieillesse à laquelle Loulou voudrait le condamner un peu trop rapidement. Alors, va comme j'te pousse, elle repart de plus belle sur ses chemins de liberté à elle, menant sa barque sur des eaux pas toujours tranquilles.
D'un côté Louise connaît les points forts de Pedro : son obstination, son sens logique et sa capacité de mémoire qu'il entretient comme le ferait un jardinier de ses légumes de concours. De l'autre, il y a ses failles : sa constitution frêle et vacillante qui ne l'autorise plus guère à s'éloigner de la Pousselisière. Mais aussi, et c'est paradoxal, son obstination qui peut lui jouer des tours pendables quand il choisit la mauvaise bifurcation et s'entête à poursuivre un chemin qui va le mener dans le mur. N'a-t-il pas un jour failli se perdre dans la forêt du Gâvre pour avoir suivi une étoile qui n'était pas la sienne ? Mais c'est comme ça qu'elle l'aime : imprévisible et tête dure !
Quant à Pedro, il a beau râler après sa « Comtesse de la Pousselisière », il ne lui reconnaît pas moins ses qualités pratiques d'organisation, ses penchants artistiques indéniables et sa farouche volonté d'indépendance qu'il n'a jamais essayé de contre-carrer. Le mariage de la carpe et du lapin, comme diraient certains. Avec la parole en plus et la souplesse en moins ! Ou peut-être plus simplement le mariage de la mer et du vent. L'un n'allant pas sans l'autre pour faire des vagues, mais également pour ramener la pêche miraculeuse à bon port.

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Question pêche, tous les deux avaient lancé leur hameçon et même sorti leurs premières prises de l'eau. Mais, à force de se tourner autour, leurs lignes s'étaient emmêlées et ils en étaient restés là. La seule certitude dans l'énigme qui les préoccupait était la ville de Limoges. A part cela, ils avaient quelques prénoms, des visages, des photos et les cafés NITAHI. Bien peu en réalité pour espérer en tirer quoi que ce soit.
  • Le mieux serait qu'on cherche chacun de notre côté et qu'on fasse le point un peu plus tard, osa Louise.
  • Fais ce que tu veux. Moi, je crois que je vais laisser tomber. On n'a pas assez d'éléments pour aller plus loin, répliqua Pedro.
  • Si je peux me permettre un avis, je pense surtout que tu n'as pas envie que je découvre quelque chose avant toi. Ça risquerait de réveiller de mauvais souvenirs en toi...
  • Top ! On n'en parle plus. D'ailleurs, ce ne sont pas de mauvais souvenirs. Tiens, tu peux relire ce que Le Courrier Yonnais avait écrit à l'époque...
Louise connaît par cœur cet article où le « scribouillard » local avait élevé Pedro en faiseur de stars. Et tout cela parce qu'elle, Louise, l'avait mis sur la piste d'une jeune artiste capverdienne à la suite d'une longue enquête partie d'une simple chanson enregistrée sur bande magnétique. L'idée des Terres Rondes de Rondelande, festival de musiques du monde, c'était elle. La clé de l'énigme, c'était elle qui l'avait actionnée. Et celui qui avait tout récupéré en gloire et en notoriété, c'était lui, le King Pop de la Pousselisière comme ils avaient eu le culot de le présenter. Une autre histoire, un autre temps, et pas question de revivre ça ! Louise ne croit pas une seconde que Pedro lâchera l'affaire comme ça ! Elle le connaît trop bien. Il doit déjà être en train de peaufiner ses armes. Plus question de perdre du temps si elle veut rester dans la course.


Louise est retournée s'enfermer à double-tour dans son bureau, devant son outil de recherche favori, naviguant sur la Toile telle une araignée guettant sa proie. Resté seul dans son atelier, Pedro a soigneusement replié l'article élogieux du Courrier Yonnais. Il a ensuite composé sur son cellulaire à clapet le numéro du quotidien local.
  • Bonjour, je souhaiterais joindre Phil Bargand...
  • Pardon ?
  • Oui, Phil Bargand. Il s'occupait des événements culturels dans le secteur de Rondelande.
  • Je ne connais pas, Monsieur.
  • Et moi, vous me connaissez ? Pedro, Pedro de la Pousselisière. Le King Pop, ça ne vous dit rien.
  • Désolé monsieur, rien du tout. Faut dire que cela ne fait pas longtemps que je suis là. Patientez, je vais poser la question à une collègue.
Pedro écarte le combiné de son oreille. « La gloire est éphémère et le monde bien injuste », pense-t-il. Dans l'appareil qu'il tient à bout de bras, il entend des chuchotements, puis une sorte de gloussement et un éclat de rire sonore. La voix de son interlocutrice redevient plus nette :
  • Excusez-moi de vous avoir fait attendre Monsieur Pedro. Ma collègue m'a tout expliqué...
  • Et ça vous a fait rire ?
Pedro sent un silence gêné au bout du fil. La fille est pressée d'abréger la conversation.
  • Je peux juste vous informer que Phil Bargand a quitté notre journal. Il s'est reconverti dans une formation de détective privé. Mais je vais vous laisser les coordonnées de celle qui le remplace.

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La nouvelle journaliste du Courrier Yonnais est tout à l'opposé de son prédécesseur que Pedro avait osé comparer à un glaïeul fané. Pour rester dans la métaphore florale, elle serait plutôt dans le genre rose anglaise épanouie. Pedro n'a pas bien compris son nom au téléphone, mais son prénom est Marie. Il en est sûr. Quand il l'a eue au téléphone, il lui a présenté son histoire comme une question de devoir citoyen. Il souhaitait lui suggérer une idée de papier autour du scandale du dépôt d'ordures sauvages qui « malmènent l'environnement et vont jusqu'à créer des risques sanitaires ». Il savait bien qu'il fallait appâter le poisson avec un sujet bien dans le vent, pour ensuite faire tourner la brise dans la direction qu'il en attendait. Pour pouvoir discuter plus librement avec la correspondante du Courrier, il a préféré attendre que Loulou soit partie pour son escapade hebdomadaire avec les « mamies tricoteuses » qu'elle accompagne.
C'est quand elle est descendue de sa voiture que Pedro a pensé à une rose anglaise.
  • Bonjour Madame Marie...
  • Kadli.
  • Pardon ?
  • Marie Kadli, mais appelez-moi Marie Patch comme tout le monde. Ça ne me vexera pas vous savez ?
  • Et pourquoi Marie Patch ?
  • Si vous pensez que c'est à cause du choc des mots, vous avez tout faux ! C'est simplement parce que j'essaie régulièrement d'arrêter de fumer. Faut croire que le patch n'a pas d'emprise sur moi. Mais bon, on n'est pas là pour ça. Dites-moi plutôt ce qui vous a amené à vous intéresser au sujet qui nous préoccupe.
Pedro entraîne Marie Patch dans son atelier où il a pris soin de cacher sous des tentures tout son bric-à-brac entassé ces derniers mois. Il n'a laissé en évidence que la porte d'armoire à glace ramenée de sa dernière péripétie champêtre, les quelques photos récupérées dans la boîte en fer blanc, auxquelles il a joint un bidon d'huile Motul éventré.
  • Voilà ce que l'on trouve parfois dans les fossés bordant nos belles routes de campagne. Et je pourrais vous en montrer bien davantage.
  • C'est dégueulasse !!
  • Répugnant, je ne vous le fais pas dire !
  • Et vous en voyez souvent de tels dépôts ?
  • Plus qu'il n'en faut ! Là aussi, je pourrais vous en montrer. Mais je pense qu'il serait plus intéressant pour vous de commencer votre enquête dans les services municipaux qui ont à gérer ces désagréments.
  • Je pense effectivement qu'il faudrait sensibiliser nos lecteurs à ce problème.
  • Vous pourriez peut-être commencer par la mairie d'Aizenay. Ne leur dites pas que vous venez de ma part. Je préfère rester dans l'ombre.
  • Comme vous voudrez. Je vous recontacterai ensuite pour que vous m'emmeniez sur le terrain. Je serai peut-être accompagné de mon photographe personnel pour illustrer l'article.
En regardant la C3 rouge de Marie quitter le chemin de la Pousselisière, Pedro ne peut s'empêcher de se frotter les mains. « Opération amorçage réussie. Un petit mensonge vaut parfois tous les Bill Gates du monde », siffle-t-il entre ses dents.

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