lundi 25 avril 2016

Nain de jardin mais géant de coeur !!!

Reflets d'une tempête sous un crâne, version Pousselisière

Où est-y le printemps ?

Comment ça, kitch ? Kitch oui, mais kitch lorraine, et kitch-net !!!

La création, c'est comme le temps. Ciel bleu mais idées courtes. Je n'ai plus qu'à m'en remettre à mon nain Spector made by Pedro pour trouver l'inspiration. Ma pensée du jour serait plutôt :

Rien ne sert de fou-rire, il faut partir au coin (version besoin urgent)

ou plus prosaïquement :

Rien ne sert de soupir, il faut partir chafouin (version ronchon)

             J'ai beau frotter mes neurones dans tous les sens, l'étincelle ne vient pas. Alors, plutôt que de me regarder de haut, et c'est un euphémisme, toi le petit bonhomme joufflu, tu ferais bien de me souffler dans les branches. Faut croire que le printemps se fait attendre partout. Sauf pour Pedro qui s'est découvert son oncle d'Amérique et qui se voyait déjà le cul cousu d'or, comprenne qui pourra ! Mais adieu veau, vache, cochon et toute la basse-cour, point de Pedro-dollars en vue, juste quelques pécadilles et trois francs six sous, si saouls qu'à la fin on s'y perd. Foin de tout ça, je préfère te délivrer la suite des aventures de mon Pedro à moi et de ses enquêtes alambiquées...



3e épisode des aventures de Pedro et Loulou :

 Rien de tel pour lui faire oublier sa mésaventure que de se plonger dans l'étude plus approfondie de sa trouvaille. Premier objectif : arriver à dater plus précisément ces photos et, si possible, comprendre pourquoi elles présentaient toutes le même défaut. Un défaut peut-être voulu par le photographe. Mais dans quel but ? Le côté artistique n'avait rien d'évident mais chaque photo exerçait une fascination inexplicable sur Pedro. C'était comme si ces regards, ces visages n'étaient que le reflet des âmes qu'ils recelaient. Qui étaient-ils ? Pedro en était là dans ses supputations quand Louise osa s'aventurer dans son atelier. Le ton acerbe de la matinée avait laissé place à un mélange de curiosité et d'admiration pour son « aventurier » préféré.
C'est que ces deux-là avaient su bâtir leur destinée commune sur le balancier des sentiments en oscillation permanente entre provocations et élans d'affection. Loulou se pencha par-dessus l'épaule de Pedro :
  • Sont belles ces photos !!!
  • Mmmouais...
  • C'est qui ?
  • Les mystères de l'armoire, répondit machinalement Pedro.
  • C'est bizarre ces regards introspectifs et les coins floutés...
  • Comme tes intentions !
  • Oui, floutées comme tes intentions. J'te connais. Tu fais des chichis quand je t'encombre avec mes vieilleries. Mais dès qu'il y a une énigme à résoudre, alors là Madame s'intéresse.
  • C'est pour t'aider Pedro. Je vois bien que tu cogites et que ces photos t'intriguent.
  • Bon, alea jacta est. Puisque tu veux me donner un coup de main, essaie de me déchiffrer cette lettre qui a du rester coincée au fond de la boite.
Pedro tendit à Louise une feuille de papier jaunie pliée en quatre. L'encre était à moitié effacée par le temps et l'écriture était fine et régulière. Une lettre adressée à un certain Robert.
  • Années 1930, 1940..., commente instantanément Pedro.
Elle est datée du 30 janvier 1958.
Louise entama la lecture :
Cher Robert
Je me suis enfin décidée...
  • C'est une femme qui écrit...
  • Comment le sais-tu ?
  • Elle a mis un -e à la fin de décidée...
  • Donc elle a de l'instruction et connaît ses règles de grammaire.
Louise reprit :
Je me suis enfin décidée à t'écrire. Jean nous raconte dans sa dernière lettre ce qui est arrivé à une de ses camarades à Alger. Cette fille était descendue au WC d'un café lorsqu'une bombe explosa. Elle fut grièvement atteinte à l'estomac et elle a la figure et les mains terriblement touchées. Il paraît que, lorsqu'on l'a ramassée elle était méconnaissable. Ça devient inquiétant ces événements à Alger.
  • Elle ne sait pas encore tout ce qui va suivre.
  • Tais-toi Pedro, tu parles pour rien. Bien sûr qu'elle ne le sait pas, puiqu'on est en 58...
  • Et que ce n'est pas Madame Soleil, je sais ! Je me tais. Poursuivez votre lecture Madame Louisette !
  • Donc, où en étions-nous ? Ah oui,
… à Alger.
Maman continue à avoir mal aux dents. Lysiane va lui faire des piqûres pour que la gencive repousse (sans doute une nouvelle découverte!)
Nous allons danser au théâtre en avril. Nous serons 7 dans ce ballet. J'espère que cela sera une réussite. On t'enverra des photos. Maman va sûrement en prendre car elle va bientôt avoir un Leica. Tu penses si elle est contente. Elle me donnera peut-être son vieil appareil. Ce serait sensas...
  • Des gens d'un certain standinge, soliloque Pedro.
  • Qu'est ce qui te permet de dire ça ? l'interroge Loulou à qui rien n'échappe.
  • Le Leica. C'était pas donné dans les années 50.
  • On en reparlera. Je finis ma lecture, tu veux bien ?
Ici, il a fait mauvais pendant une semaine à peu près mais cela a passé. L'autre jour, Henri, mon oncle, a été chez le toubib pour ses mains. Il avait des boutons sur les doigts. Le docteur lui demande : combien buvez-vous par jour ? Henri répond : 3 litres environ...
  • Alors là, je m'incline.
Louise haussa les épaules et reprit sa lecture :
Le toubib lui a donné des remèdes homéopathiques et lui a dit de ne boire plus qu'un demi-litre par repas. Cela fait 15 jours et Henri a maigri de 9 kg. Hier, assis sur son lit, en slip, il regardait ses jambes et il dit : « On dirait des allumettes » (et cela sur un ton très sérieux). Thérèse a bien ri, car il pèse encore 90 kg.
Je t'embrasse. Et toi, Coma quo vai ?
  • Et c'est signé Ratoune.
  • Eh ben, ça ne va pas nous apporter grand chose tout ça, conclut Pedro.
  • Attends, il y a un post-scriptum.
Il paraît qu'on va démolir l'Aigle d'Argent. Ton copain Philippe Roche est inquiet pour ses parents qui ne savent pas où ils vont être relogés. Ça le tracasse beaucoup !
  • C'est vrai que ça ne nous apprends rien de plus, constata Louise en repliant la lettre. Si tu permets, je vais aller regarder ces photos à la lumière plutôt que dans ton repaire.


4


Pedro n'avait opposé aucune résistance quand Louise avait emporté la pile de photos. Il était resté pensif dans son atelier. Une expression avait retenu son attention dans la lettre. Il relut à plusieurs reprises le post-scriptum. Une impression de déjà vu, une réminiscence, un relent d'un passé très lointain mais qui lui évoquait des souvenirs troubles. L'Aigle d'Argent. Avait-t-il lu ce nom quelque part ? Etait-ce le nom d'un héros d'une ancienne BD dont il aimait lire les aventures ? Comme pour mieux descendre dans les strates de sa mémoire, il entama un retour aux sources. Ses années d'enfance à Limoges. La ville où il était né. Où il avait grandi. Limoges d'après-guerre. Le trolleybus entre la place Carnot et l'avenue Baudin, la façade imposante des établissements Legrand sur l'avenue De Lattre-de-Tassigny, symbole d'une époque annonçant les Trente Glorieuses. Et puis, le revers de la médaille, les quartiers en quasi décrépitude. Des immeubles délabrés, au bord de l'insalubrité. Mais bien sûr ! Le regard de Pedro s'éclaira. L'Aigle d'Argent. C'est le nom que portait un de ces bâtiments vétustes, près de la mairie.
Pedro essaya de se raisonner et de tempérer le galop de ses souvenirs. « N'allons pas trop vite en besogne. L'Aigle d'Argent devait être un nom assez commun. Mais tout de même, l'époque correspondrait bien. Comment en être sûr ? Les photos ne donnent que peu d'indices. Surtout que Loulou a mis le grappin dessus et qu'elle n'est pas prête à les lâcher. Seule solution : lui faire entamer une recherche sur le Net, cette hydre diabolique que décidément Pedro a beaucoup de mal à affronter. Ce n'est pas tant la technique qui le rebute que l'idée d'intégrer le troupeau des moutons de Panurge suivant le grand berger de la Toile. Il préférait laisser ce soin à d'autres et tirer les marrons du feu sans se brûler les doigts. Une tactique qui lui avait plutôt réussi jusque-là.
Sur son bureau, Louise avait étalé une bonne vingtaine de photos. Vingt visages aux expressions figées. Avec toujours le même cadre cerclant le portrait et un arrière-plan flou où l'on distinguait parfois des éléments plus reconnaissables. Pedro poussa la porte :
  • Tu tombes bien, annonça Loulou.
  • Pourquoi ?
  • Pour jouer au jeu des sept erreurs...
  • Arrête tes conneries. Je n'suis pas venu pour ça !
  • Tu m'étonnes ? J'te connais. Ne tourne pas autour du pot. Tu as un service à me demander.
Pedro s'était toujours demandé comment elle faisait pour deviner ses intentions. L'intuition féminine ? Il avait beaucoup de mal à l'admettre. Mais il devait bien se faire une raison. Et puis, l'essentiel était qu'il parvienne à ses fins. Alors autant rentrer dans son jeu.
  • Oui, c'est vrai. Je vais encore te demander de faire une recherche pour moi...
  • Après le jeu des sept erreurs, insista Louise.
Ce n'est pas que ça l'amusait. Mais il faut parfois lâcher du lest pour prendre de la hauteur, se dit Pedro. Va donc pour le jeu des sept erreurs. Il se pencha sur les photos alignées.
  • J'ai trouvé. Ce n'est jamais la même personne.
  • Première erreur Pedro. Il y en a une qui est photographiée trois fois. Même si la coiffure change un peu. Mais c'est vrai que tu as l'habitude de ne pas remarquer ce genre de détail. Même chez moi...
  • Arrête-toi là Louisette ! On joue ou on n'joue pas ?
  • C'est bon j'arrête ! On joue...
Pedro osa une nouvelle remarque :
  • Les photos ont été prises vers la rue. On voit presque toujours la même voiture garée à l'arrière-plan.
  • Sauf une fois !
En effet, sur l'un des portraits, on apercevait au fond, derrière le regard figé d'une jeune fille aux cheveux noirs, un étrange véhicule surmonté d'une banderole publicitaire. Pedro alla chercher sa grosse loupe pour tenter d'en déchiffrer l'inscription partiellement cachée par le portrait.
  • NITAHI, ça te dit quelque chose ?
  • Pas vraiment, rétorqua Louise. Je ne lis pas encore dans le marc de café.
Pedro resta interloqué. Le mot café associé à NITAHI agitait ses neurones. Mieux valait ne rien laisser paraître plutôt que de s'engager dans une explication encore un peu vaseuse. Il préféra en revenir à la vraie raison qui l'avait amené à retrouver Loulou. Il prit un air dégagé pour exposer sa demande :
  • Tiens, quand tu auras un peu de temps, tu essaieras de voir ce qu'on peut trouver sur Aigle d'Argent.
  • Quand j'aurai un peu de temps. Pour l'heure, je préfère m'intéresser à mes photos.
  • Tes photos ?
  • Oui, j'ai cru comprendre qu'elles n'avaient pas d'intérêt pour toi...
  • C'est juste pour mes statistiques personnelles...
Il est vrai que le Pedro, il est le roi de la statistique. Déformation professionnelle ou obsession des chiffres. Tout chez lui passe en statistiques. Du nombre d'assiettes ramassées en une année à la durée de vie d'une bombe de mousse à raser, en passant par le poids des années accumulées et la taille des illusions.


5

Après d'âpres palabres, Pedro a réussi a négocier les trois photos représentant le même visage et la photo sur laquelle il a cru pouvoir reconnaître le mot NITAHI. A peine avait-il quitté le bureau de Louise que celle-ci s'installait devant son ordinateur. En guise d'Aigle d'Argent, le moteur de recherche lui sert un dessin animé version manga qui ne cadre pas vraiment avec les récentes trouvailles de Pedro. Elle tente une autre entrée. On la renvoie sur des notions d'héraldique et de blasons. Plus plausible déjà. La lettre qu'elle a lue à Pedro émanait bien d'une fille d'un milieu plutôt aisé de prime abord. Pourquoi pas une famille noble dont le blason comporterait un aigle. Sauf que, si elle se souvient bien, l'auteur de la lettre parlait de démolir l'Aigle d'Argent et on ne démolit pas un blason comme on démolirait un immeuble. Il faut qu'elle en réfère à Pedro.
Celui-ci s'est installé derrière son piano. A la place des partitions, il a aligné les quatre photos que Loulou a bien voulu lui rétrocéder. Il a l'oeil qui pétille et le regard que devait avoir Champollion quand il a réussi à déchiffrer les hiéroglyphes.
  • J'ai trouvé, annonce-t-il sans modestie à Louise.
  • Moi aussi, mais je ne sais pas si cela apporte quelque chose de plus !
  • Alors vas-y annonce !
  • Toi d'abord...
  • C'est même toi qui m'a mis sur la voie ma Louisette.
  • J'ai pas fait exprès !
  • Ça je m'en doute. En général, tu préfères garder les bons filons pour toi. Mais t'es trop bavarde. C'est toi qui m'a mis sur la piste des cafés NITAHI.
  • Jamais entendu parler.
Les doigts de Pedro se mettent à courir sur le piano. Il joint la chanson à la mélodie :
  • De tous les cafés le plus apprécié, Mais oui c'est le fameux café Nitahi....
Le café oh oh
Le café ah ah
Café Nitahi, café Nitahi dont l'arôme est exquis...
  • Qu'est-ce que tu me chantes là ?
  • Tu connais pas ?
  • Je n'ai pas ta culture mon cher Pedro.
  • Radio Luxembourg. Les années 50.
  • Pas de mon âge...
  • Pas de mon âge, pas de mon âge. Et alors ? Je n'ai pas personnellement connu Molière et pourtant je connais Le Misanthrope.
  • J'en connais un aussi, mais peut-être pas le même...
  • Bon ça va comme ça. Dis-moi plutôt ce que tu as trouvé de ton côté...
  • Je me suis plongée dans l'héraldique, dans des histoires de gueule à une aigle d'argent, etc.
  • Et ça ne t'a pas blasé, ces histoires de blasons ?
Un tantinet vexée, Louise réplique vivement.
  • La prochaine fois, tu feras tes recherches tout seul...
  • Te fâche pas. Tu devrais essayer d'associer Limoges à la recherche.
  • Et d'où tu tiens ça ?
  • Intuition masculine, pérore Pedro, tête haute et regard fier.
Il ne veut pas en dire davantage à Louise. Il a juste besoin qu'on lui confirme ses premières impressions. Il sait bien que le café NITAHI, il le voyait à l'épicerie de Limoges devant laquelle il passait pour aller à l'école. Il a aussi reconnu le modèle de la voiture aperçu sur les autres photos. Simca « Marly » à plus d'un million de francs à l'époque. Ils n'étaient pas nombreux à pouvoir se payer cette break qui pompait plus de 13 litres aux cents. Quant à l'Aigle d'Argent, il est presque sûr maintenant qu'il s'agissait d'un de ces immeubles en décrépitude démolis quand il avait une vingtaine d'années dans le bas de la rue Vieille des Carmélites. Au moins, Louise aura-t-elle du grain à moudre avec cette nouvelle recherche et lui permettra-t-elle d'avancer à son propre rythme pour comprendre ce qui peut bien se cacher derrière ces photos volées à la barbe du temps.
Bien vu, car Louise est déjà à pianoter sur son clavier.
  • Il avait raison le chameau ! Il doit bien s'agir de Limoges, commente-t-elle à voix haute.
En ouvrant quelques archives, elle découvre l'histoire de l'hôtel de l'Aigle d'Argent, « repaire de républicains » au XIXe siècle, ayant hébergé un « banquet socialiste de femmes en 1849 », puis devenu insalubre un siècle plus tard selon le rapport de l'architecte divisionnaire de la ville. Celui-ci n'hésite pas à qualifier l'ensemble d'immeubles dangereux pour la sécurité publique et pour celle des habitants, avec des installations sanitaires indignes de l'époque.
Une situation qui n'avait pas empêché certains locataires de prendre leur plume pour s'élever contre la démolition de l'Aigle d'Argent. C'est bien la même crainte qui était exprimée dans le post-scriptum de la lettre qui accompagnait les photos. Conclusion : cette lettre était très probablement partie de Limoges, destinée à quelqu'un qui connaissait bien Limoges et il est fort probable que les photos aient elles-aussi été prises à Limoges.  

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