La nuit des 13 lunes, c'est pour bientôt !
La Terre est bleue comme une orange. La lune fait la nique au Soleil ! |
Autre registre, autres émotions avec la nouvelle ci-dessous que je te laisse le soin de découvrir. Petit hommage à Prévert sous soleil voilé, second prix du concours de nouvelles de Thénac.
Belles lectures à pied, à cheval et en
bateau à voiles...
Mascareigne
du matin, soir sous les embruns
Certains prétendent que je cède trop facilement aux caprices d'Eole. Certes, j'ai tendance à être frivole au vent. Mais dès que le soleil donne et je voyage en salutaire aux quatre coins de la Terre. Je suis né sous les douces mains de Félicité qui m'a tressé. Elle m'appelait son chouchou, elle était ma nounou. Belle comme une toile de Mascareigne, funambule du cirque de Salazie. Avec elle, je me suis baigné sous le Voile de la Mariée, dans les odeurs de tamarins et de goyaviers. Telle était ma jeunesse, j'ai dû naître coiffé. Depuis, j'en ai vu des contrées. Et des très cons aussi ! J'ai rencontré des têtes brûlées et des têtes bien faites, des têtes en l'air à l'air pathétique. J'ai toujours su garder la tête froide et finalement, c'est moi qui leur fait de l'ombre.
J'ai
quitté Bourbon sur un coup de tête quand Félicité a largué les
amarres. Elle est partie sans crier gare. A pied vers la mare à
Poule d'eau. C'est là que se sont séparés nos chemins. J'ai à
peine eu le temps de voir sa détresse créole. Le maloya prenait un
souffle rock'n roll entre les solides bras de Carole. Du Piton des
neiges par Dos d'âne au Ti train par Sous-le-Vent, j'ai caressé
ses cheveux onduleux. En sortant du port, la houle australe soufflait
si fort que j'en frissonne encore. Du ferry, j'ai failli passer
par-dessus bord. Avant même d'arriver à Tamatave, Carole avait
succombé au charme d'un roux Batave. Globe-trotter aux pieds nus, il
lui en avait mis plein la vue. Il fut un temps son idole. Elle en
était folle.
J'ai
préféré les laisser à leurs ébats fougueux. Je suis parti vers
les cieux, poussé par les alizés. Une saute de vent furieux aux
pieds d'Elisa me déposa. J'en fus tout retourné. La pauvrette me
servit de port d'attache sur une plage malgache. Elle était
couturière et m'enrubanna de ses doigts experts. Je prenais du galon
sans le moindre coup de canon. Mais le métier de tailleur n'empêche
pas les rêves d'ailleurs. Elisa voulait voir le monde. Un capitaine
de trimaran, au demeurant pas très marrant, tous deux nous embarqua
pour un tour de mappemonde. On hissa la grand'voile en suivant les
étoiles. A nous le Mozambique et les mots si doux.
Hélas,
le capitaine était homme aux semelles de vent. Elisa n'était plus
du tout du genre avenant. Il lui dit : « A Suez, je te
largue » en retirant son panama. Elle lui répondit :
« Yeh Men ! Je saurai mener ma barque ». Il en fut
fait ainsi. Je ne pensais pas devenir un dégât collatéral, mais je
finis bel et bien dans le canal. Je n'eus la vie sauve que grâce à
une frêle sarcelle qui me prit sous son aile. Drôle de voyage qui
faillit tomber à l'eau pour rebondir sur le dos d'un oiseau. Du pont
d'un porte-container au doux nom de Northern Debonair, un marin
patibulaire me repêcha tout dégoulinant de remerciements. J'étais
encore imprégné de parfums féminins. Je fis le bonheur d'un
équipage libérien. Mon sauveur s'appelait Titus, je lui servis de
sac à puces. Avec le bain de mer, j'avais perdu de ma superbe mais
j'étais prêt à tout pour revoir un brin d'herbe.
Titus
n'était pas bien méchant. Plutôt un grand enfant ! En
arrivant à Marseille, il se fit la belle avec Mireille. Une petiote
à tête de linotte. Ils m'oublièrent bien vite sur un banc. Ils
s'aimaient comme deux enfants. Ils n'étaient plus là pour personne.
Il a fallu que je me raisonne. C'était l'automne. Les feuilles
mortes se ramassaient à la pelle. Un vieux balayeur répondit à la
pelle. Je poursuivis mon voyage en brouette jusqu'au café de la
Goélette. Victor me serra si fort que je faillis en perdre le nord.
De son étreinte virile, il me reste aujourd'hui encore la cicatrice,
une brisure dans mes vibrisses. A la Goélette, je finis contre un
mur, dans les odeurs de pastis et de friture. Je n'avais plus très
fière allure.
La
patronne s'appelait Nolwenn et ne jurait que par le chouchen. Elle
avait laissé ses brumes armoricaines pour des promesses
méditerranéennes. Un matin sans coup férir elle me décrocha :
« Allez viens, on va voir mon pays là-bas où le ciel est un
peu plus bas ! » J'étais parti pour de nouvelles
aventures avec une Bretonne très nature. J'aurais aimé qu'elle se
farde, elle était plutôt motarde. Je fis la route buissonnière sur
le tansad d'une Lambretta Bertone. Pour ne pas me retrouver au fossé,
il a fallu qu'à Nolwenn je me cramponne. On a franchi la Loire dans
la lumière des phares. On a franchi la Villaine sous une averse
soudaine. On a mis le cap à l'Ouest et on est arrivé à Brest. Il
pleuvait sans cesse. Rue de Siam, la Lambretta a rendu l'âme.
Je
passais l'hiver au port. Je ne me sentais plus bon à rien. Je
voulais du soleil encore. Sans lui, comment faire du bien. Nolwenn
était reparti dans le Sud, me laissant avec son frère Gael. Un bon
p'tit gars qui me trimbalait dans sa 4L. Son dada à lui, c'était le
cheval. Combien de fois ai-je pu maudire cet animal ? Combien de
fois ai-je failli me perdre dans la lande après un galop aux airs de
sarabande ? Heureusement Gael veillait au grain et n'oubliait
pas de me tendre la main. Ma vie ne tenait parfois plus qu'à un fil.
Et puis, il y eut Lucile. Elle était si gracile. De conquérir Gael
lui fut facile. Lucile était une vraie monte-en-l'air. « Si
j'ai deux L dans mon prénom,
c'est pour mieux voler » disait-elle. Le parfum de Lucile était
un poème, même sous les ailes d'un ULM.
Pour combler sa belle infirmière, Gael lui offrit un baptême en
montgolfière. On embarqua tous les trois direction Balleroy. Au
musée des ballons, elle lui fit les yeux ronds. Une brise trop
sévère faillit tout mettre en l'air. La fille avait du caractère
et moi, je priais pour qu'on décolle pour que l'amour se recolle.
Faut croire qu'Eole m'avait entendu car tout s'arrangea le soir venu.
Le soleil déclinait et le ballon s'inclinait. Le souffle du brûleur
réchauffait les cœurs. Dans la nacelle, la vie reprenait de plus
belle. Sous nos pieds, la côte normande invitait aux noces galantes.
Et là, je ne sais pas ce qui m'a pris. J'ai voulu les laisser à
leurs amours. J'ai sauté. Sous moi, la terre se dérobait. Je me
laissais porter. J'ai volé, volé, toujours plus haut. J'ai vu, sur
la voie de chemin de fer, la maison du garde-barrière. J'ai plané
longtemps avant de commencer à descendre.
Aux portes de la nuit, doucement, tout doucement telle une plume
portée par le vent, je me suis posé dans ce pré. Je n'avais jamais
vu que des têtes et me voilà dans la Manche. On est venu me
ramasser dans l'herbe, pointe du Nez Cabot. Et n'allez pas dire que
la destination m'était prédestinée. Un gamin qui pédalait par là
m'a emmené jusqu'au cimetière d'Ormonville-la-Petite. C'est ici que
je veux finir ma vie, posé sur cette simple pierre dressée. Un
oiseau est venu me saluer. Un peintre du dimanche a voulu en faire le
portrait. L'oiseau s'est envolé. Le peintre a replié son chevalet
mais il a oublié sa pipe sur la tombe. Sa pipe et puis moi, le vieux
shapo-la-pay. D'aucuns m'ont donné le nom de chapeau de paille
d'Italie. Je n'ai jamais vu l'Italie, mais laissez-moi rêver encore
de mon île où je suis né et où on m'a baptisé chapeau paille
chouchou. Laissez-moi devenir le chouchou de vos rêves car je suis
comme je suis.
Je
suis là pour vous plaire
Et
n'y puis rien changer.
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